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Campus des villes, campus aux champs, et Saclay en attente

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Le site de Paris-Saclay (phpto Michaël Tubiana)

Quel type de campus offre les meilleures conditions de vie et d’études – pour les étudiants, mais aussi pour les enseignants-chercheurs, les entreprises ? Lequel offre l’environnement le plus propice à la concentration et au travail intellectuel, le cadre le mieux équipé ? A quoi ressemble le campus d’aujourd’hui, compte tenu notamment de la place croissante du numérique ?

Le débat n’est pas nouveau. Il est aujourd’hui sous les feux de l’actualité avec les nouveaux enjeux de l’enseignement supérieur – les politiques de site, les regroupements, les relations universités-entreprises, l’essor de la recherche partenaire… Et particulièrement avec « l’affaire » de Saclay.

D’un côté, en effet, les campus universitaires au coeur des grandes villes. L’exemple type est bien sûr celui de la Sorbonne, site historique implanté au coeur du Quartier Latin – et qui continue, aujourd’hui encore, de faire rêver des étudiants du monde entier. On peut citer aussi l’UPMC (devenue « Sorbonne Université ») à Jussieu, ou encore Dauphine, Normale Sup-Ulm, l’université Descartes…

Les avantages sont évidents : ce type de campus ancre les établissements dans la vie de la cité, favorise les échanges avec le public. Il permet aux étudiants de bénéficier de toutes les commodités qu’offre une grande ville : logements, commerces, équipements culturels (cinémas, musées, salles de concerts, galeries d’art)… Résultat, les étudiants participent à la vie de la ville (y compris au plan économique) et contribuent à son animation. « Pour attirer des étudiants internationaux, disposer d’un campus au coeur de Paris est évidemment un atout majeur, observe par exemple Pascale Martin Saint-Etienne, qui dirige le MBA de l’ESCP-Europe. C’est un critère qui pèse lourd dans leur choix. »

Deux bémols, cependant. D’abord, les équipements sportifs en coeur de ville restent souvent limités – même si l’on peut utiliser les jardins et parcs situés, ou les installations « publiques ». Et surtout, la flambée des prix de l’immobilier rend ce type de campus de plus en plus difficile à construire ou à agrandir.

De l’autre, les campus « au vert », à l’écart des grandes villes. Là, l’espace ne manque pas, les équipements sportifs sont nombreux et faciles à aménager, les étudiants vivent au calme. Ils peuvent se concentrer davantage sur leurs études. En revanche, la vie de campus est souvent limitée. Dans certains cas, ce type d’environnement peut même devenir assez déprimant, surtout le soir ou en fin de semaine.

Ce modèle est largement répandu aux Etats-Unis – on parle même de campus « à l’américaine ». En réalité, il est loin d’être le seul aux Etats-Unis. Nombre d’universités d’outre-Atlantique disposent de locaux en plein coeur des grandes villes – parfois dans des buildings de plusieurs dizaines d’étages. Il suffit de sillonner les rues de Chicago ou de New York pour en trouver.

Remarquons aussi qu’aux Etats-Unis, nombre de ces campus verdoyants sont néanmoins installés à proximité d’une grande ville. C’est le cas du MIT ou de Harvard à Boston : inutile de passer des heures dans les transports en commun pour y accéder. Ces campus sont relativement intégrés à la l’agglomération. Idem pour l’université de Chicago, qui, sans être installée en plein « downtown », n’est pas non plus à reléguée « à la campagne ». Pour ce type de campus, la question des liaisons avec la grande ville – et en particulier des transports en commun – est cruciale. C’est là que l’on arrive au « cas » de Saclay : à une vingt-trois kilomètres de Paris, et à trois quarts d’heure environ du centre de la capitale, Saclay est mal desservi par les transports en commun.

Dans le cadre du projet du Grand Paris, il était prévu de desservir ce campus en cours de développement via une nouvelle ligne de RER, la ligne 18. Un équipement indispensable aux yeux des acteurs du site. Or le gouvernement vient d’annoncer, il y a quelques semaines, le report d’une partie des équipements de transport du Grand Paris. Pour faire simple, toutes les infrastructures destinées aux Jeux Olympiques seront réalisées dans les délais prévis. Pour celles de Saclay, il faudra attendre… trois ans de plus, et peut-être davantage.

Un retard évidemment préjudiciable. Difficile d’attirer des étudiants, des chercheurs, des cadres, des entreprises « au milieu de nulle part ». Comment, par exemple, convaincre une sommité internationale, sollicitée par les grandes universités du monde entier, d’aller s’enfermer avec sa famille à Saclay, si le moindre déplacement prend au minimum une demi-journée ? Certains redoutent même un coup

Des étudiants de Paris-Saclay, lors du Festival Evanescence.

d’arrêt.

Cédric Villani, ardent défenseur du projet de Saclay, et qui connaît les difficultés auxquelles sont confrontés étudiants et chercheurs, s’est ému de ce report. En vain, semble-t-il.

Ainsi va la France : priorité aux jeux du cirque olympique. Pour la recherche, pour la science, pour l’emploi des jeunes, pour l’innovation, on attendra…

Quelques villes de l’Hexagone, comme Strasbourg ou Grenoble ont compris l’intérêt d’avoir une importante population étudiante et ont aménagé ou maintenu des campus en plein centre, malgré la pression des promoteurs. D’autres, comme Bordeaux, Marseille (à Luminy), Toulouse ou Nantes ont aménagé à l’extéroeur de l’agglomération des ensembles ou sont regroupés écoles, universités et centres de recherche. Mais ces ensembles n’ont pas été rejetés dans une banlieue lointaine, et demeurent aisément accessibles. Ils bénéficient pour cela de transports collectifs commodes et bien organisés.

Le cas d’EM Lyon est emblématique : l’école de commerce vient d’annoncer sa décision de quitter son campus d’Ecully, à la périphérie de Lyon, où elle était présente depuis 1972, pour s’implanter en 2022 en plein centre ville, dans le quartier de Gerland. L’investissement devrait s’élever à environ 90 millions d’euros. Un choix stratégique lié aux nouvelles ambitions de l’école, notamment dans le domaine du numérique. Bernard Belletante, le directeur général, souhaite faire de ce futur campus urbain “un lieu de connexion”, avec des locaux à la pointe des technologies, et développer ainsi l’activité de l’école. Un choix soutenu par la CCI locale. De quoi permettre à EM Lyon de bousculer la hiérarchie et titiller ses rivales parisiennes. A noter qu’EM Lyon dispose aussi, depuis deux ans, d’un campus ultra-moderne au coeur de Paris, à une minute à pied de la gare… de Lyon.

Alors, campus des viles ou campus des champs ? Les deux modèles offrent de solides atouts. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne peut pas espérer réussir un projet d’envergure sans transports en communs modernes et efficaces. Pour Saclay, c’est sans doute une question clé. Même si ce n’est pas la  seule.


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